Une Couronne pour le Roi Crucifié
Jean (18:36-37 ; 19:1-5 ; 19:12-16) : « Jésus répondit: "Mon royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais mon royaume n'est pas d'ici." Pilate lui dit: "Donc tu es roi?" Jésus répondit: "Tu le dis: je suis roi." […] Pilate prit alors Jésus et le fit flageller. Les soldats, tressant une couronne avec des épines, la lui posèrent sur la tête, et ils le revêtirent d'un manteau de pourpre; et ils s'avançaient vers lui et disaient: "Salut, roi des Juifs!" Et ils lui donnaient des coups. De nouveau, Pilate sortit dehors et leur dit: "Voyez, je vous l'amène dehors, pour que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun motif de condamnation." Jésus sortit donc dehors, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre ; Pilate leur dit: "Voici l'homme!" […] Dès lors Pilate cherchait à le relâcher. Mais les Juifs vociféraient, disant: "Si tu le relâches, tu n'es pas ami de César: quiconque se fait roi, s'oppose à César." Pilate, entendant ces paroles, amena Jésus dehors et alla siéger au tribunal, en un lieu-dit le Dallage, en hébreu Gabbatha. Or c'était la Préparation de la Pâque; c'était vers la sixième heure. Il dit aux Juifs: "Voici votre roi." Eux vociférèrent: "A mort! A mort! Crucifie-le!" Pilate leur dit: "Crucifierai-je votre roi?" Les grands prêtres répondirent: "Nous n'avons de roi que César!" Alors il le leur livra pour être crucifié. »
Matthieu 27:29 : « Ils tressèrent une couronne d'épines, qu'ils posèrent sur sa tête, et ils lui mirent un roseau dans la main droite; puis, s'agenouillant devant lui, ils le raillaient, en disant: Salut, roi des Juifs! »
Marc 15:17-19 : « Ils le revêtent de pourpre, puis, ayant tressé une couronne d'épines, ils la lui mettent. Et ils se mirent à le saluer: "Salut, roi des Juifs!" Et ils lui frappaient la tête avec un roseau et ils lui crachaient dessus, et ils ployaient le genou devant lui pour lui rendre hommage. »
Selon des théologiens médiévaux, le Crucifié garda sa couronne jusqu'à sa mort et ce fut la Vierge, après la descente de croix, qui la lui enleva, se blessant aux doigts et mêlant ainsi son sang à celui de Jésus.
De Jérusalem à Notre-Dame de Paris
En 409, Saint Paulin de Nole la mentionne parmi les reliques de la basilique du mont Sion à Jérusalem. En 570, Antoine le Martyr la trouve exposée à la vénération des fidèles dans la Basilique de Sion. Vers 575, Cassiodore, dans son Commentaire du Psaume LXXV, s’écrie : À Jérusalem est la Colonne, là est la Couronne d’épines !
Par crainte d’une invasion des Perses puis des arabes, certaines reliques commencent à être transférées de Jérusalem à Constantinople, capitale de l’Empire romain d’Orient et enrichissent le trésor des empereurs byzantins. On ignore la date exacte du transfert de cette Couronne d’Épines, dont l'authenticité ne peut être vérifiée, mais en 614, lorsque Jérusalem est conquise par les Perses, la Sainte Couronne n’y est déjà plus. Par contre, les Perses qui brûlent l’église du Saint-Sépulcre emportent comme trophées la Sainte Croix et d’autres reliques. Ainsi, selon la tradition, la Couronne est pieusement conservée et vénérée dans la chapelle impériale de Constantinople à partir du VIIe siècle. D'après les différents témoignages, des épines ont été dispersées au cours des siècles par les dons effectués soit par les empereurs byzantins, soit par les rois de France. On en compte environ 70, de même nature, qui s'en réclament originaires.
Dès le milieu du Xe siècle, comme en témoigne Constantin VII dans son Traité des Cérémonies, les empereurs d'Orient étaient parvenus à réunir une collection impressionnante de reliques de la Passion dont le nombre devait encore s’accroître sous leurs successeurs.
Après le sac de Constantinople par les Croisés et les Vénitiens en 1204, les Croisés fondent l'Empire latin d'Orient qui existe jusqu'en 1261. Pour garantir un emprunt auprès de banquiers vénitiens, les empereurs latins gagent différentes reliques : la Sainte Couronne est ainsi mise en gage par Baudouin II de Courtenay par l'acte du 4 septembre 1238 concernant le patricien de Venise, Nicolo Quirino, qui prévoit que le marchand vénitien devienne propriétaire de la relique si elle n'est pas remboursée en juin 1239.
La Sainte Couronne d’Épines dans le reliquaire de 1896.
Quelques années plus tard, Saint Louis souhaite se porter acquéreur de reliques christiques dont la Sainte Couronne. Il faut deux ans de négociations pour conclure l’affaire, car le roi tient à s’assurer de l’authenticité des reliques. Moyennant la somme astronomique de 135 000 livres tournois, la couronne est acquise en août 1238 sous la conduite des dominicains.
Pour accueillir et magnifier cette relique, Louis IX fit construire dans l’enceinte de son palais de l’Ile de la Cité, la sainte Chapelle. Le Roi, très mystique, voulut un lieu d’intense lumière pour honorer le culte de la couronne d’épines et insérer son arrivée à Paris dans une perspective biblique de longue durée. La chapelle palatiale et son trésor témoignaient de sa suprématie dans son royaume et hors du royaume. Tout à la fois signe de son investiture, illustration de son prestige, vitrine de son pouvoir sacral, symbole de son autorité morale et enseigne de son charisme, la Sainte-Chapelle fut, pour Saint Louis, un extraordinaire élément de pouvoir. Il s’imposait, ainsi, comme le « leader » de la chrétienté au moment où le dernier avatar de la Querelles des Investitures affaiblissait, un peu plus, la papauté et le Saint Empire Romain Germanique. Le roi de France agissait comme s’il était directement inspiré par Dieu et comme chef effectif de la chrétienté. Á la tête du royaume d’Occident le plus puissant, le plus peuplé, le plus riche de l’époque, Louis IX lança une croisade, sans l’accord du Pape. En 1248, deux mois après la cérémonie de la translation de la couronne à la Sainte-Chapelle, il partit vers Jérusalem. Ce roi, grand chrétien et profondément attaché à l’Église, n’était pas, pour autant, le serviteur de l’Église de Rome. La religion royale, et gallicane, du souverain se manifesta de nouveau à propos de la liturgie qu’il souhaita attacher à la Sainte-Chapelle.
Depuis 1806 la Couronne fait partie du Trésor de la Cathédrale Notre-Dame. Les Saintes Reliques sont confiées aux Chanoines du Chapitre de la Cathédrale Notre-Dame de Paris, puis placées sous la garde statutaire des Chevaliers du Saint Sépulcre de Jérusalem. Ce sont donc les Chanoines qui les présentent et les Chevaliers qui ont la charge de les protéger lors de leur ostension.
La Sainte Couronne d'épines du Christ est considérée comme la deuxième relique la plus importante de la chrétienté après le Saint Suaire de Turin. Elle est porteuse, depuis plus de seize siècles de prières ferventes de la Chrétienté. Les Marches de Saint-Joseph de 2017, 2018 et 2019 ont eu le très grand honneur de bénéficier de la présentation de la sainte relique.